Publié le 17/06/2020 - 5 minutes de lecture

Chaque mois, je vous propose de découvrir l’origine et le sens de certaines expressions ou mots étranges encore courants dans notre vocabulaire. Arts de la table, commerce, justice, finance, architecture, monde animal, militaire et monde du jeu, autant d’univers qui ont forgé de nombreuses expressions, utilisées aujourd’hui de manière parfois totalement décalée de leur sens d’origine !

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Juin : « B-A: Ba, B-A-N… »

Ami lecteur, ceci est la dernière chronique de l’année (mais pas sur Bonjour Marcel !) avant la pause estivale ! Depuis 10 mois, Goupil t’a entraîné à la découverte des expressions du monde scolaire, animal, financier, des arts de la table, du calendrier, des impôts, de la justice, des armes et même, de quelques expressions grivoises…

Cependant, il gardait sous sa cape une suite d’expressions ou de formules qui toutes, viennent d’un seul et unique mot ! Et chose encore plus incroyable, ce mot si fécond n’a que trois lettres… Viens, suis-moi, Ami lecteur, et découvrons ensemble le fort et utile petit mot de… Ban !

Et non, ce n’est pas une interjection comme le coup de feu imité par l’enfant, mais bien un mot, sans faute, le Ban.

Alors pour commencer, celui-ci n’est pas fait pour s’asseoir, on veillera donc à ne pas lui ajouter le « c » final !

Le ban dont il est question ici est un ancien droit féodal, utilisé dans les Etats germaniques (actuelle Allemagne) et un grand quart est de la France. D’origine germanique, il désigne le pouvoir de convocation du Seigneur vis à vis de ses vassaux.

Par extension, le ban a finit par recouvrir tout le territoire sur lequel s’exerce ce pouvoir : on a alors parlé de ban seigneurial.

De ce petit mot en apparence « banal » (tiens, tiens…), ont découlé toute une série de formules du langage.

La plus connue sans doute de nos jours, reste la publication des bans du mariage : c’est la proclamation du mariage à venir dans les limites du ban, c’est à dire généralement la commune des tourtereaux. Au Moyen Age, paroisse et ban seigneurial (le fief) se mêlaient largement, l’une recouvrant à peu près l’autre. Les paroisses sont devenues les communes, mais les mots ont perduré, jusque dans l’obligation d’annoncer les noces !

On retrouve aussi le pouvoir de convocation dans l’expression ‘Faire appel au ban et à l’arrière-ban’ : le Seigneur faisait appel à ses vassaux (ses fidèles qui lui devaient assistance) pour aller combattre par exemple, mais aussi à l’arrière-ban, mot issu du germanique heriban, qui vise la convocation des hommes en âge de porter une arme. On fait donc appel à sa garde rapprochée, et aux vassaux de ses vassaux. En politique aujourd’hui, on dirait « rassembler sa famille politique et séduire les amis de ses amis »…

Toujours lié aux combats, le Seigneur se fait reconnaître sur le champ de bataille grâce à sa… bannière, le signe distinctif commun à tous les hommes de son ban ! Il peut donc porter le titre gagé (qui donne droit à un revenu) de banneret. Le titre tombe en désuétude au XVe siècle, mais perdure en Angleterre, où il est intégré à la hiérarchie militaire jusqu’au XIXe siècle. Pour les plus geek de nos lecteurs, le titre a inspiré celui que porte certains grands seigneurs dans Game of Thrones, les bannerets, comme les Karstark, la famille du Nord alliée aux Stark, ce qui ne leur réussit pas vraiment au début de la série…

Le Seigneur disposait de certains droits sur le territoire de son ban : les droits banaux. Ceux-ci s’appliquaient notamment sur le four, le moulin ou le pressoir mis à disposition des paysans, mais dont ils devaient payer l’usage. On parle alors du four banal, du moulin ou du pressoir banal. Dans certains de nos villages se tient encore chaque année une fête du four banal, ou on réactive le four communal pour y faire lever les pains…

A l’intérieur du fief, celui qui commet un délit sera jugé et condamné par le Seigneur, détenteur de la basse-justice (pour les délits) ou pour certains Seigneurs importants, celui de haute-justice (pour les crimes, avec le droit de proclamer une sentence de peine de mort). Après un passage au pilori (vu dans la chronique d’avril), le coupable reçoit l’opprobre général et n’a d’autre choix que de quitter le fief. Il est donc… banni ! C’est à dire, rejeté hors du ban. Une expression dit encore « être placé au ban de la société », c’est à dire en être exclu.

Le pouvoir de convocation du Seigneur a cependant des limites, géographiques celles-ci. Habituellement, on reconnaît au Seigneur son pouvoir de convocation jusqu’à une lieue, c’est à dire environ 4,4 km du centre du fief. La zone périphérique, en bordure du ban, s’est donc appelée la… banlieue ! Et voilà comment, du fief seigneurial médiéval, on a créé de toute pièce nos villes et quartiers périphériques encore appelée comme cela aujourd’hui !

Alors, il est pas fortiche, mon petit mot de ban ?

J’espère, Ami lecteur, que tu as pris plaisir à lire ces petites chroniques autour des mots et expressions, autant que j’en ai pris à les écrire !

Je te retrouve en septembre avec une nouvelle salve d’expressions. Notre langue est riche, ne nous arrêtons pas en si bon chemin !

Bon été à tous !

Source :

Alain REY, 200 drôles d’expressions que l’on utilise tous les jours sans vraiment les connaître, 2015.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ban_(Moyen_Âge)

GOUPIL(e) LE BON MOT

Goupil(e) le bon mot a rédigé cet article.

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