Publié le 23/07/2020 - 12 minutes de lecture

Que tu sois un livrovore compulsif ou un lecteur (très) occasionnel, l’été est en général LA période idéale pour prendre le temps de lire plus encore. Mais que choisir ? Comme lire, c’est bien, mais bien lire, c’est mieux, je te propose de sortir des sentiers battus et des top ventes pour découvrir de jolies pépites publiées par des maisons d’éditions que vous ne connaissez peut-être pas encore (mais on va changer ça).
Je t’invite aussi à découvrir mes deux BD coup de cœur de l’été.

Poney flottant, d'Isabelle Wéry

On Lit éditions

Résumé de l’éditeur : 

Sweetie Horn, autrice à succès, reprend conscience dans le coma. Incapable de communiquer avec le monde extérieur, elle entreprend d’écrire mentalement le récit de ses premières années. Elle se souvient, elle a 10 ans et vit en Angleterre dans la ferme familiale. Très imbue de sa petite personne, elle exige un cheval pour son anniversaire. Mais soudain, voilà que son corps décide de ne plus grandir. On la surnomme Poney. Et ça, ça lui tape sur les nerfs ! Elle fomente sa revanche… Poney flottant est un conte initiatique, un roman audacieux et captivant à l’image de son héroïne.

Mon avis : 

Poney flottant, corps dormant, Sweetie délirant, souvenirs vivants… Poney flottant.

J’aurais pu parler d’Objet Littéraire Non Identifié, mais ce serait réducteur pour ce roman plein de caractère. Alors, je m’attellerais à vous donner envie de découvrir cet Objet Littéraire Bien Identifié. Car oui, il n’est pas difficile de se rendre compte qu’on est face à un réel objet littéraire. Un livre curieux qui, page après page impose sa singularité.

Mais d’abord, l’histoire : Sweetie est coincée dans son corps, allongée sur un lit d’hôpital. Son esprit est vif et bien bavard, mais son corps ne répond plus. Elle comprend qu’elle est dans le coma, sacrée panade. Alors, pour passer le temps, mais aussi pour lutter contre cet état, elle écrit, dans sa tête, son autobiographie.

Retour en arrière, Sweetie, 10 ans, est la petite-fifille chérie de son Grand-Daddy qu’elle aime tant. Sweetie est la reine de la ferme, au centre de tout. Égocentrique ? Peut-être. Excentrique ? Sans le moindre doute. Et l’arrivée des hormones dans sa vie ne va rien arranger.

Je n’ai que rarement eu l’occasion de lire de livres aussi particuliers. Et il est très rare que j’accroche. Là, comme une moule à son rocher, je ne voulais rien lâcher. Je voulais continuer d’entendre la voix chantante de Sweetie repenser (à) sa vie.

Lire ce roman, c’est s’inviter dans un théâtre intérieur. Un seul en scène magistral mené par l’esprit de Sweetie. C’est rythmé, c’est osé… C’est frénétique, hypnotique ! On a une urgence à lire, happés par les mots, amusés par le ton (oui, on se marre pas mal !), drogués par les images qui s’enchaînent plus vite, toujours plus vite. Et pris dans ce tourbillon indescriptible tout ce qui aurait pu déranger dans un autre roman est accepté, accueilli à bras ouverts. Les mots sont torturés, la phrase est bousculée, les sens sont exacerbés et les prudes vont s’empourprer. Mais toute audace est ici justifiée.

Lire ce roman, c’est accepter de vivre une expérience livresque folle. Ayez l’audace de vous embarquer dans le coma augmenté de Sweetie Horn.

Le Chien Noir, de Lucie Baratte

Editions du Typhon

Quatrième de couverture : 

Il était une fois un conte obscurci, englouti par un océan de ténèbres, qui gisait tout au fond du foyer des histoires, étouffé en secret sous le gris de la cendre.

Dans un pays lointain, la jeune Eugénie est mariée de force au mystérieux Roi Barbiche par son père. Commence alors pour elle un voyage aux confins du monde qui l’entrainera dans un château rempli de noirceur.

 

Pensé à la fois comme une relecture de Barbe bleue, une réponse littéraire aux contes des Précieuses du XVIIIe siècle et aux romans magiques d’Angela Carter, Le chien noir s’inscrit dans une histoire féminine de la littérature. Celle d’Anaïs Nin, de Mary Webb, en passant par les sœurs Brontë ; des autrices qui refusent l’ordre établi et le bousculent par l’expression d’un désir éclatant. La mise en lumière de l’étrangeté personnelle devient ainsi une arme d’émancipation.

Ce que j’en ai pensé :

Il était une fois un conte qui commence comme bien des contes. Il était une fois une jeune et belle princesse prisonnière de son père, le roi Cruel. Il était une fois un roi venu d’un pays lointain pour l’épouser et lui offrir la liberté.

Il était une fois la fin du conte de fée et le début d’une histoire sombre. Car point de liberté pour la jeune imprudente. Dans son nouveau royaume tout est froid et sombre et son roi et plus cruel que Cruel. Seule la compagnie du jeune chien noir sauvé de l’orage semble apaiser cette jeune fille que la vie tourmente.

Comment ne pas succomber à l’appel de ces pages qui, dans un murmure, invitent notre âme d’enfant à replonger dans le plaisir des contes. Comment ne pas frissonner quand le roman gothique prend le pas sur le féerique et que l’effroi vient nous glacer l’échine. Comment ne pas tomber amoureux de ce roman quand chaque début de chapitre appelle à être lu et relu (j’en aurais partagé mille extraits, mais le mieux, c’est que vous le lisiez vous-même).

On savoure ce bonbon offert, et on se laisse tenter. Gourmand et inconscient on s’enfonce chaque fois un peu plus loin dans le paquet, et par la même occasion dans les ténèbres de ce château glaçant qui recèle des secrets bien plus sombres qu’on ose l’imaginer.

On se laisse porter par les mots, par le jeu rythmé des répétitions qui nous font vaciller. On se laisse charmer et piéger. On finit “sweet sixteen” et on espère, avec notre Eugénie, sortir entier de ce savant cauchemar.

C’est sombre, c’est glauque, c’est un conte pour adultes, la fin de l’innocence pour les enfants (non, ne leur lisez pas, ils ne sont pas prêts). Une façon magistrale de découvrir les Editions du Typhon.

Mais aussi...

Ceux que je n'ai pas lu mais qui me font de l'oeil, et du pied, et des mains.

Au nom du Japon

Hiro ONODA – Traduit par Sébastien Raizer _ La manufacture de livres

Résumé de l’éditeur : 1945. La guerre est terminée, l’armistice est signé. Mais à ce moment précis, le jeune lieutenant Hiro Onoda, formé aux techniques de guérilla, est au coeur de la jungle sur l’île de Lubang dans les Philippines. Avec trois autres hommes, il s’est retrouvé isolé des troupes à l’issue des combats. Toute communication avec le reste du monde est coupée, les quatre Japonais sont cachés, prêts à se battre sans savoir que la paix est signée. Au fil des années, les compagnons d’Hiro Onoda disparaitront et il demeurera, seul, guérillero isolé en territoire philippin, incapable d’accepter l’idée inconcevable que les Japonais se soient rendus. Pendant 29 ans, il survit dans la jungle. Pendant 29 ans il attend les ordres et il garde sa position. Pendant 29 ans, il mène sa guerre, au nom du Japon.
Ce récit incroyable est son histoire pour la première fois traduite en français. Une histoire d’honneur et d’engagement sans limite, de foi en l’âme supérieure d’une nation, une histoire de folie et survie.

 

Ils l’ont lu :

« Ce mélange du désert des tartares, de Robinson Crusoé et d’Apocalypse Now est vertigineux d’autant plus que tout est vrai.« 
Fabrice Del Dongo

« Exemple de l’incroyable esprit de sacrifice nippon et d’obéissance totale, ce récit abracadabrant est captivant. Si à mon avis la qualité de l’écriture pêche un peu, on n’en reste pas moins scotché par cet engagement sans limite, par l’aveuglement d’un homme qui n’a qu’une seule chose en tête: exécuter les ordres.« 
Madame Tapioca

Les Falaises

Virginie DeChamplain _ La Peuplade

Résumé de l’éditeur :  V. vient d’apprendre que l’on a retrouvé le corps sans vie de sa mère, rejeté par le Saint-Laurent sur une plage de la Gaspésie, l’équivalent « du bout du monde ». Elle regagne là-bas, brusquement, sa maison natale, et se confectionne une « île » au milieu du salon venteux, lieu désigné pour découvrir et mieux effacer – ou la ramener – l’histoire des femmes de sa lignée à travers les journaux manuscrits de sa grand-mère. V. se voit prise dans sa lecture, incapable de s’en détacher. Sa seule échappatoire réside derrière le comptoir d’un bar au village, dans une chevelure rousse aérienne, et s’appelle Chloé.

Ils l’ont lu :

« Ce roman est une réussite parce qu’il traduit la nécessité de restaurer les liens entre les êtres – vivants ou morts – pour échapper au naufrage du deuil.
Il montre que dans les moments insupportables de la vie, c’est l’humanité qui sauve ceux qui restent.♥️ »
Moon Palaace

« Je ne m’attendais pas à un récit aussi prenant et aussi poignant. La construction est plutôt atypique avec des paragraphes longs contenant des phrases courtes et des pages où
parfois quelques mots sont écrits comme s’ils étaient destinés à être envoyés vers le ciel. Cela donne un souffle vivant et tout marchant sur un fil très fragilisé. »
Super Mario Books

Et côté BD, tu nous proposes quoi ?

Liberté de corps, liberté d’esprit.

En reprenant dès le départ les codes rassurants et familiers du conte de fée, Peau d’Homme invite rapidement le lecteur à ouvrir grand son esprit.
Car si l’histoire débute assez classiquement par l’annonce d’un futur mariage entre une jeune fille de bonne famille promise au fils de la bonne famille voisine, la marraine va venir mettre un sacré grain de sel dans tout ça.

Voyant que sa filleule, Bianca, n’est pas emballée à l’idée d’épouser un homme qu’elle ne connaît pas, sa marraine lui confie dans le plus grand secret une peau d’homme. Celles-ci sont extrêmement rares et permettent aux femmes de la famille de se glisser depuis quelques générations dans la peau (et les sensations !) de Lorenzo. Une occasion sans pareille pour côtoyer le monde des hommes totalement inaccessible aux femmes dans cette cité médiévale.

Bianca devenue Lorenzo, rencontre son fiancé Giovanni. D’abord rebutée par les attitudes de cet homme, elle tombe rapidement sous son charme et découvre que Lorenzo ne le rend pas non plus insensible.

Dans une ville qu’un prédicateur veut purifier de tout péché, de toute tentation, de toute faute, de tout art, Bianca/Lorenzo et Giovanni se retrouvent dans un trio amoureux complexe qu’en temps que lecteur indiscret nous suivons avec attention.

Ce conte illustré, sous ses traits sympathiques et ces couleurs enjouées, et tout l’humour qu’il porte en lui, s’attelle à ouvrir grand les esprits. Satire des travers de la religion, ode à la liberté, au féminin comme au masculin, à la sexualité sans complexes, à l’amour et au respect, cette bande dessinée et à mettre dans bien des mains.

Soyez généreux avec la nature, elle vous le rendra.

L’Oasis, c’est le témoignage généreux de l’aventure de Simon Hureau qui décide, avec sa famille, d’apporter la vie dans le jardin morne et triste de sa nouvelle maison.

Dans les grandes lignes c’est ça. Dans les petites lignes, dans les traits, c’est évidemment beaucoup plus! Car un vrai beau jardin plein de vie, ça ne se fait pas en un claquement de doigts.

Simon témoigne de ces années passées à découvrir le potentiel de la nature. Il plante, bouture, déniche, échange, récupère. Il laisse des espaces pour que la biodiversité s’exprime. Il se trompe parfois, aussi, et n’a pas honte de le dire. C’est un jardinier modeste mais volontaire.

Je ne vous en dirai pas plus car tout le livre réside dans ce travail d’installation, mais aussi dans la découverte du merveilleux potentiel de la nature de se suffire à elle-même. Simon donne une impulsion, le jardin fait le reste. La biodiversité fait son nid. Tout prend vie.

Ouvrir cet ouvrage, c’est prendre l’air. C’est se rendre compte qu’on peut beaucoup avec si peu. Il faut juste le vouloir. Il faut savoir être patient, et faire quelques compromis. Pas de diversité sans accepter de laisser la nature prendre sa part (même dans tes fraisiers).

En plus du récit autobiographique vous pourrez observer de superbes dessins naturalistes pour apprendre à reconnaître les espèces.