Publié le 08/01/2021 - 4 minutes de lecture

Chaque mois, je vous propose de découvrir l’origine et le sens de certaines expressions ou mots étranges encore courants dans notre vocabulaire. Arts de la table, commerce, justice, finance, architecture, monde animal, militaire et monde du jeu, autant d’univers qui ont forgé de nombreuses expressions, utilisées aujourd’hui de manière parfois totalement décalée de leur sens d’origine !

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My way

Pour bien démarrer l’année, Je vous propose non pas d’y aller part quatre chemins, mais par de multiples mots !

En effet, dans notre paysage quotidien, de nombreux hameaux, et par ricochet, le nom de leurs habitants, trouvent leurs origines dans les mots désignant les voies de communication, les routes, les accès.

La première des voies est la « charreira », celle qui est carrossable, donc accessible en char. Elle a donné les noms Charreyre, avec ou sans « s » final, et charreiron, « petite ruelle ». Allègre, par exemple, est dotée de charreirons qui entourent, et conduisent à la Potence, au sommet du village. Il existe des rues du Cherreyron ou du Charreirou à Blavozy, Polignac…

Le « charral » est la voie charretière, d’où les noms de lieux comme Charra, Charras. Le nom de famille identique a sans doute désigné la famille qui habitait le long d’une de ces voies.

Mieux encore, la grande route dallée est appelée « eitraa », qui donne les noms L’Etrat, ou Leitra, comme à Malvalette.

Le chemin, en occitan « charrivas », est le chemin d’exploitation. On le retrouve à Riotord aux Charives. Le « passaa », c’est le chemin de passage des animaux. De nombreux hameaux dans nos contrées s’appellent les Passa(t)s.

Dans les forêts, on fait glisser les grumes abattues dans un « couloir », la « coleira », qui signifie « glissoire ». Les lieux-dits en ont le souvenir avec La Couleyre (Yssingeaux) ou La Collière. 

Qui dit chemins, dit croisement ou carrefour. C’est souvent des lieux bien identifiés, car ils permettent au voyageur de s’orienter. On y a adjoint, bien souvent, une croix, voire un calvaire. Ainsi en est-il de « croseira »  et sa variante « crosilha » pour les plus petites routes. On y retrouvera les noms Croisières, Crouzilhac, ou Crouzilloux.

Si le carrefour est plus important, et comporte trois voies (en latin trivium), on parle de « treive ». Les hameaux appelés Trève, ou Treyve, sont bien placés pour le savoir !

La « bessa », c’est la bifurcation du chemin. Jean-Yves RIDEAU nous indique que le mot vient du latin bis (deux fois), qui a donné « bissa ». Les villages Besse à Solignac sur Roche, La Besse, à Yssingeaux, ou Les Besses, à Bas en Basset, en sont issus. A Bessamorel, on trouvait à cet endroit les Maurel, « des hommes très bruns », nous rappelle l’auteur. On retrouve dans cette appellation le nom « Maure », donné aux populations berbères d’Afrique du Nord par les Romains, puis les musulmans pendant le Moyen Age. L’adjectif « mauresque » s’applique aux arts, à l’architecture et désigne un ensemble de styles qui se sont épanouis sous l’empire arabo-andalous (VIIIe-XVe siècle). La Cathédrale du Puy par exemple, emprunte dans son architecture des éléments de décors de cette civilisation. La façade notamment est souvent qualifiée par certains de « style mauresque ». 

Quand le chemin fait un détour, contourne un obstacle, on parle de « détourbe », comme les lieux-dits La Détourbe, à Raucoules ou au Mazet St Voy, sur les hauteurs du village…

Quand le voyage devient épuisant, il est temps de marquer l’arrêt. « Pausa » est né de ces points de halte, et a donné La Pauze, et le nom de famille du même orthographe, et Pauzoux.

Comme souvent dans nos territoires, les noms de lieu ont leur raison d’être. Nécessité fait loi, dit l’adage, et nos pays de montagne n’échappent pas à la règle. Sur votre route, regardez les hameaux traversés, leur nom vous éclairera sans doute…
Sources : RIDEAU, Jean-Yves, Géographie paysanne, Gens et lieux d’Yssingelais, sud-Forez, et hautes vallées du Nord-Vivarais d’après leur langue, l’occitan, vivaro-alpin, La Retornada, 2020.

GOUPIL(e) LE BON MOT

Goupil(e) le bon mot a rédigé cet article.

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