Publié le 10/02/2020 - 4 minutes de lecture

Chaque mois, je vous propose de découvrir l’origine et le sens de certaines expressions ou mots étranges encore courants dans notre vocabulaire. Arts de la table, commerce, justice, finance, architecture, monde animal, militaire et monde du jeu, autant d’univers qui ont forgé de nombreuses expressions, utilisées aujourd’hui de manière parfois totalement décalée de leur sens d’origine !

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Février : « s’offrir à bouche que veux-tu »… (1/2)

Attention ! Chronique NSFW !

Mois de la St Valentin, février est court (voir notre chronique de janvier). Le froid poussera les plus hardis coquins à se réchauffer en prenant leur pied ! Le soupirant amoureux, aux trousses de sa belle, retient son souffle : Qu’elle lui donne du grain à moudre, et c’est en sifflotant « il court il court le furet», qu’il l’entraînera dans sa couche pour qu’elle passe sur le billard.

En ce mois de février, je vous propose 5 formules célèbres qui ont toutes un rapport avec l’acte charnel, le geste tendre, la symphonie des plaisirs, les tribulations du polisson, l’art de la gaudriole… bref, le sexe !

Prendre son pied

Quelle expression désigne mieux le fait d’avoir du plaisir ? Et pourtant, le pied à prendre ici est au départ… une unité de mesure ! Situé entre l’empan et la coudée, le pied mesure approximativement 30 centimètres et sert d’unité de mesure pendant tout le Moyen Age pour toute proportion à taille humaine. Les Américains continuent de l’utiliser pour désigner la taille des individus : Ainsi, Kobe Bryant (RIP) mesurait « 6 feet, 6 inches », 6 pieds, 6 pouces !
Au XIXe siècle, les voleurs les plus habiles avaient pour habitude de garder un petit supplément après partage du butin : ils réclamaient ainsi leur pied, c’est à dire leur part. L’expression argotique passe ensuite dans le milieu de la prostitution : réclamer son pied, pour la femme qui monnaye ses charmes, c’est avoir droit à sa part de plaisir. Il ne faut pas oublier l’érotisme propre à cette partie du corps, source de fétichisme, et son rapport aux positions amoureuses : le poète grec Aristophane fait dire ainsi à l’un de ses personnages féminin qui fait la grève du sexe dans la pièce Lysistrata : « je ne mettrai pas les pieds en l’air. »

Etre aux trousses de quelqu’un / trousser

Rien à voir avec la petite sacoche à stylos pour écoliers, même si certains peuvent être amoureux de leur maîtresse ! Trousser c’est avant tout « mettre en faisceau, en botte »… On parle là des foins des champs. Alain Rey glisse malicieusement : « on troussait du foin avant de trousser les filles ». De cette notion, a dérivé un vocabulaire vestimentaire pour exprimer le fait de « relever un vêtement qui pend ». La posture érotique et machiste ne fait ici aucun doute ! Les trousses, au XVIIe siècle, c’est aussi une pièce de la garde robe masculine : la culotte bouffante, sur laquelle on accrochait (on « relevait ») les bas. Etre aux trousses de quelqu’un, c’est aussi s’accrocher à ses basques, c’est à dire le poursuivre de manière insistante.

Donner du grain à moudre

Le (la) grain(e), la semence, l’avoine, le moulin… Un nombre incroyable de mots du quotidien paysan a été utilisé pour désigner le sexe. Rien de très étonnant quand on sait que 80 à 90 % de la population a vécu du travail des champs pendant des siècles en France ! Ainsi, une fille qui cherche un mari est « montée en graine », c’est à dire mûre pour le mariage. Les enfants à naître de cette union sont de la graine de bois de lit. Nul besoin d’explications… Et les grains, où sont-ils moulus ? Au moulin évidemment ! On disait de la femme, sur une carte postale grivoise de la Belle Epoque, qu’elle a « un moulin à eau par devant, et un moulin à vent par derrière ». Moudre son grain, c’est trouver un moulin bien accueillant… Pour les prostituées, c’est se donner du mal pour faire jouir leur client, même s’il est bien connu qu’on ne peut pas être à la fois au four et au moulin

La suite dans deux semaines ! Restez connectés !

Sources : 

> Alain REY, 200 drôles d’expressions que l’on utilise tous les jours sans vraiment les connaître, 2015.

> Agnès PIERRON, 200 drôles d’expressions érotiques que l’on utilise tous les jours sans le savoir, 2016.

GOUPIL(e) LE BON MOT

Goupil(e) le bon mot a rédigé cet article.

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