- Cinéma
Publié le 09/02/2021 - 6 minutes de lecture
On connaissait déjà Eric Toledano & Olivier Nakache pour leurs comédies qui sont à chaque fois des événements salués par la critique et le public. Derniers en date, on peut citer le fabuleux « Sens de la fête », récemment diffusé en clair à la télévision suite au triste décès de Jean-Pierre Bacri, et « Hors Normes », un film rempli d’humanité. Mais on ne connaissait pas Toledano & Nakache, réalisateurs pour le petit écran. Et encore une fois, c’est une (très) belle surprise !
Pour la plateforme arte.tv, le tandem rendu célèbre hors de l’Hexagone en 2011 avec « Intouchables » – mais pas à son coup d’essai – a adapté la série israélienne « BeTipul ». On y suit dans ce huis-clos les séances du psychothérapeute Philippe Dayan – magistralement interprété par Frédéric Pierrot, qui se fait trop rare sur les écrans – dans son cabinet du XXIe arrondissement de Paris. Chaque épisode correspond à une séance avec un patient du docteur. Le lundi, il reçoit Ariane (Mélanie Thierry, dans un rôle puissant), une chirurgienne qui a des vues sur lui. Le mardi, c’est Adel (Reda Kateb, toujours aussi juste), brigadier des forces d’intervention dissimulant des blessures sous ses airs de dur à cuire. Le jour suivant, c’est au tour de la jeune Camille (Céleste Brunnquell, révélée en 2019 pour son rôle dans « Les Éblouis », pour lequel elle est d’ailleurs nommée cette année aux César), athlète de haut niveau, de s’installer sur le divan. Le jeudi, Dayan propose une thérapie de couple à Damien et Léonora (Pio Marmaï et Clémence Poésy, décidément aptes à jouer n’importe quel rôle). Enfin, le vendredi, Dayan retrouve Esther (Carole Bouquet, magistrale), « contrôleuse » thérapeutique et ancienne amie. Autant dire qu’en terme de casting, on ne pouvait pas faire plus prestigieux !
En adaptant la série israélienne, les réalisateurs ne souhaitaient pas seulement en faire un copier-coller. C’est pourquoi ils ont décidé d’inscrire cette adaptation dans un contexte bien particulier propre à le France : la période post-attentats de la fin d’année 2015. Cette première saison – on en espère de tout cœur une deuxième – s’étale dans une temporalité de sept semaines, où chaque patient vient exprimer ses pensées mais aussi ses ressentis affectés par le climat de terreur qui subsiste alors, et ce lors de sept séances.
Pour la première fois, Toledano & Nakache n’ont pas seulement écrit le scénario à quatre mains, mais à quatorze, car ils travaillaient sur « Le sens de la fête » quand le projet a débuté, et ont préféré s’appuyer sur des scénaristes talentueux. On peut donc souligner leur remarquable travail, mais aussi la qualité et la justesse des dialogues, qui sont délectables, et on a notamment plaisir à écouter la voix indescriptible de Frédéric Pierrot citant du Freud ou du Lacan. Du côté de la réalisation, les deux compères n’étaient également pas tous seuls puisque Pierre Salvadori (« En liberté ! »), Nicolas Pariser (« Alice et le maire ») et Mathieu Vadepied ont pris le flambeau sur certains épisodes.
Le pari qu’a osé le duo de cinéastes d’adapter cette série déjà « réappropriée » dans une vingtaine de pays est une véritable réussite. Disponible dans sa totalité sur arte.tv depuis le 28 janvier, plus de 4 millions d’épisodes ont été vus en une semaine juste après sa mise en ligne. Également diffusée chaque jeudi à 21h sur Arte, jusqu’au 18 mars, la série a attiré plus de deux millions de curieux le 4 février dernier, un très beau score pour la chaîne et assez rare pour être souligné. Mais ce succès n’est pas dû au hasard : la performance des acteurs y est notamment pour beaucoup. Un épisode était en moyenne tourné par jour de tournage donc celui-ci était parfois éprouvant. D’ailleurs, dans certaines adaptations étrangères, l’acteur incarnant le psy n’a pas tenu le coup face à l’exigence du rôle. Également, les acteurs d’« En thérapie » recevaient parfois leur texte au dernier moment. Pas évident me direz-vous car la série repose sur des dialogues précis et un jeu où chaque expression du visage est particulièrement captée par la caméra, le tout étant mis en valeur par des gros plans et des alternances champ / contre-champ.
En cette période de marasme ambiant qui ne finit plus de s’étaler, il est bon de voir des chefs d’œuvre comme celui-ci, nous donnant encore plus hâte de sortir de cette pandémie qui a (malheureusement) fini par prendre des airs routiniers, afin de faire une cure de culture dans nos chers musées, cinémas et théâtres, pour renflouer nos cœurs et nos esprits. Confiné, on peut bien entendu continuer à découvrir de nouveaux films et séries mais parmi le flot incessant de nouveautés qui débarquent constamment sur les plateformes, il est parfois difficile de faire des choix et de s’y retrouver. C’est pourquoi on vous conseille une fois de plus cette série qui, par des séances entre un psy et son patient qui lui dévoile son intimité, nous parle à tous et nous fait réfléchir à notre propre personne et à la psyché humaine. Dans une interview, Carole Bouquet estimait que la série mettait en scène « ce qui nous manque en ce moment », et Frédéric Pierrot ajoutait qu’elle montrait « à quel point les relations présentielles sont importantes ». Et ils ont terriblement raison.
« En thérapie », série française (2021) initiée par Eric Toledano, Olivier Nakache, Yaël Fogiel et Laetitia Gonzalez, adaptée de la série israélienne « BeTipul » de Hagai Levi, Nir Bergman et Ori Sivan, 35 épisodes de 20 à 30 min. À voir !
Little Marcel a rédigé cet article.