- Patrimoine
Publié le 16/05/2019 - 7 minutes de lecture
Aujourd’hui nous allons vous parler des églises : vous savez, ces édifices religieux très répandus, au nombre de 150 environ en Haute-Loire, qu’on contemple parfois, et qu’on oublie souvent tant leur présence est devenue banale et habituelle.
C’est pourtant très souvent le joyau historique de chaque commune de France, son plus ancien édifice, le plus haut, le plus beau et le plus chargé d’histoire. Et c’est encore plus vrai dans notre département. Avec ce petit article, vous apprendrez à décrypter sommairement chaque église, sa conception, sa forme, et bien sûr : le pourquoi de sa construction…
Pourquoi les églises ?
Généralement, l’église se place au milieu d’une communauté de personnes, religieuses ou non : en effet, l’église vient d’ »ecclesia« , un vieux mot grec désignant une assemblée. L’église est alors le lieu de prière mais aussi de rassemblement pour toute la population alentours qui y fait tout un tas de choses : au Moyen-Âge, on pouvait y entasser les malades, y trouver refuge, y faire du commerce et plein de trucs pas du tout catholiques.
On entend parfois parler de chapelle : la chapelle, c’est plutôt une petite église, parfois privée, un lieu de culte réduit et peu utilisé, ou seulement par un faible nombre de personnes. Typiquement, en Haute-Loire, c’est le lieu de prière pour l’habitant du hameau qui est beaucoup trop fainéant pour se taper 1 heure de marche jusqu’à l’église principale. La chapelle a aussi pu s’installer à la place d’un très ancien lieu de culte païen (genre avec des gens tout nus qui dansent autour d’un dolmen), ou près d’une source d’eau pour en assurer la qualité (ça c’était avant qu’on invente la pastille de chlore).
Le lieu de leur installation, on l’a dit, se fait au plus proche des villages et des habitations. C’est pourquoi on les retrouve le plus souvent en plein bourg ou en pleine ville. Leur orientation n’a également rien d’hasardeux : les vieilles églises sont justement « orientées », c’est-à-dire, tournées vers l’Orient, non pas pour la Terre Sainte, mais pour le soleil qui se lève de ce côté. Quant à leur forme, c’est souvent celle d’une croix (ce qui est facile à comprendre), avec une nef, et une salle principale reliant deux petites ailes formant le T de la croix (c’est l’abside), quand elle est suffisamment grande. La nef a souvent été complétée, sur ses côtés, de « chapelles », qui sont des petites salles ouvertes dévolues à un saint, une famille locale célèbre ou donatrice…
Décrypter la forme d’une église
La forme de l’église nous amène directement à son style d’architecture : vous aurez sans doute en tête les termes de « roman » ou de « gothique », sans savoir finalement ce qu’ils signifient. En fait, c’est assez simple.
Le style roman reprend certains codes architecturaux de la culture romaine : des formes rondes, un peu raplaplas, des fenêtres et des voûtes à « arc cintré », et des intérieurs assez sombres. Nous avons en Haute-Loire un des plus beaux bâtiments de France en la matière : c’est évidemment la cathédrale du Puy, mais on peut aussi citer la basilique de Brioude. Tout près du Puy, il y a également l’église de Saint-Paulien sur l’esquisse ci-dessous :
Maintenant, le gothique : le mot a été connoté négativement car certains y ont vu une déformation barbare du style roman, alors que c’en est principalement une évolution de style pour bâtir encore plus haut et en longueur. En effet, le gothique adopte largement l’arc brisé : il permet aux églises de s’élancer beaucoup plus en hauteur car cette technique supporte bien plus de poids, et permet d’avoir de bien plus grandes fenêtres. Ces fenêtres justement, au lieu d’avoir du banal verre coincé dans des tiges de métal pour sa solidité, on les peint et on les teinte : c’est le vitrail. Il y a également l’invention de l’arc-boutant, ces arcs de pierre reliant de gros piliers de pierre à l’extérieur et qui soutiennent les minces murs de l’édifice. Le style est assez bien représenté en Haute-Loire comme dans le reste de la France, mais a surtout donné les plus grandes cathédrales en Ile-de-France et en Picardie, dont la plus connue a pris un léger coup de chaud sur son chapeau en bois il y a peu de temps.
Pour illustrer, deux dessins : la voûte gothique de l’église de Craponne-sur-Arzon, avec ses arcs brisés ; et une vue partielle de l’église de Sainte-Sigolène. Celle-ci est un cas un peu à part : il ne s’agît pas de gothique mais de néo-gothique, autrement dit de gothique « moderne ». De nombreuses églises ont ainsi été construites sur ce style-ci au XIXe siècle, car il faut alors pousser les murs pour accueillir les fidèles, en même temps que le style gothique revient au goût du jour.
On voit souvent les murs des églises comme des murs de pierre un peu froids ou crépis, mais avant, l’intérieur était très souvent peint, à l’effigie de Jésus-Christ, des saints, des peintures qui évoquaient des scènes de la Bible, mais aussi parfois de la vie courante, la construction de l’église et d’autres choses. Certaines églises ont même des peintures à l’extérieur comme en Roumanie (si si, c’est un vieux souvenir de voyage Erasmus, entre deux bars). En étant attentif, vous pouvez encore voir des restes de peinture dans quelques églises altiligériennes : une des plus connues est la funeste « danse macabre » de l’abbatiale de la Chaise-Dieu, peinte il y a 500 ans.
Pourquoi les cloches ?
Juste avant de sortir de l’église de votre commune, après un long de moment de méditation, de pénitence et de prières (bon n’en faites pas trop), vous entendez les cloches sonner : banal, mais en y réfléchissant, pourquoi des cloches, et pourquoi un clocher ?
Les cloches ont un rôle symbolique et spirituel important un peu partout dans le Monde. Mais chez nous, on leur ajoute un côté pratique : suivant le rythme auquel elles sont frappées, leur nombre, leur grosseur, on peut varier les compositions et faire comprendre aux villageois ce qu’il se passe : un mariage, un décès, l’heure qui passe, une guerre déclarée, l’heure de l’apéro (tendez bien l’oreille)… Au Puy, l’une des cloches date du XVIIIe siècle… Autant d’occasions de se saouler à l’hydromel dans une bonne vieille taverne bien crado.
Mais pourquoi s’embêter à monter un gros morceau de cuivre dans cette tour qu’on baptise logiquement clocher ? Là encore deux mêmes raisons :
– une symbolique, pour impressionner et se rapprocher du ciel en allant de plus en plus haut ;
– et une autre pratique, pour que notre petit MARCEL occupé à parcourir son site internet préféré dans sa maison isolée puisse entendre les cloches du bourg au loin.
La morale de l’histoire : foncez découvrir l’église de votre village, de votre quartier, et observez les moindres détails, la petite date gravée par un inconnu il y a 150 ans, le vieux blason buriné par des révolutionnaires énervés, la dalle usée par les pas de vos ancêtres… Pas la peine de parcourir un temple bouddhiste à 10000 km d’ici, la petite histoire est à deux pas de votre palier !