Publié le 19/06/2020 - 11 minutes de lecture

Brand, l’un de nos derniers chroniqueurs a décidé d’aiguiser sa plume joliment sarcastique pour vous proposer des chroniques aux thèmes variés : écologie, balade, radioactivité, déception amoureuse… Voici une nouvelle fiction, qui s’ajoute à sa chronique “Bonsoir MARCEL” que vous pouvez retrouver ici.
Bonne lecture.

Cette année, pas de festivals. Les gens ne souhaitent plus se côtoyer de près, prendre dans leurs bras des inconnus ivres morts. Frotter leur torse suant contre le torse d’autres suants. Échanger, par insouciance, des gobelets recyclables assaisonnés de la poussière soulevée par la foule excitée.

Je ne décris pas ici le festival de la Chaise-Dieu. Quoique je n’y suis jamais allé, serais-je surpris ?
Je vous parle du Hellfest, un grand rassemblement de musique Métal qui a été annulé cette année, comme presque tous les autres. Tragédie.

En effet, j’ai depuis quelques années l’habitude de me rendre en Loire-Atlantique dans la jolie ville de Clisson, pendant le week-end du solstice d’été, pour accomplir mon pèlerinage de mélomane. Mais cette année, je vous le redis, rien ! Pas même un petit concert, pas un pogo, ni une même une petite projection de bière sur mon beau Perfecto.

Pour combler le manque j’ai décidé cette année de vous conter l’ambiance typique du Hellfest !

J’en ai les yeux qui brillent, difficile exercice de rédaction, je pourrais écrire milles pages.

La journée commence à huit heures le matin, sous un temps mitigé, quelques ondées ont mouillé la tente dans laquelle j’ai dormi. A quelques mètres de là, dans une aire de vingt-cinq milles campeurs, sous un chapiteau, nous est proposé un petit déjeuner : croissant jus de fruits et café.
Je déguste cette toute première collation de la journée assis sur un banc prévu à cet effet, un petit rayon de soleil sur le visage viens réchauffer mon premier matin en terrasse, délicieux !

Sans traîner, il est l’heure de se diriger vers le site du festival à proprement parler, un petit passage aux toilettes (encore fréquentables à cette heure-ci) et en avant !
Les portes ouvrent à neuf heures et demi.

Dans la petite file d’attente qui précède la fouille de l’entrée, crème solaire de partout, on n’oublie pas les oreilles et le nez. Première bière fraîchement payée sur le chemin, premiers jeux de mots douteux et premiers points Godwin.

Comme toujours la fouille est succincte, voir simplement symbolique, ici tout le monde veut du bien à tout le monde.
Une fois la palpation passée un sourire malicieux et satisfait s’affiche sur mon visage, : je ris ! je crie ! et je cours pour accéder au-devant d’une scène, comme si ça pressait ! Il faut dire qu’autour de moi il y a quelques cinq hectares d’espaces entièrement décorés et ambiancés « Hard-Métal ». Les six scènes du Hellfest sont prêtes à sonner leur cent vingt décibels.

Je me dirige vers la Warzone qui est la scène punk. En arrivant, un petit passage au bar, il est dix heures, première pinte de cidre, première roulée.
Et oui tout est ritualisé, de la clope à la crème solaire !

Le premier groupe qui se produit devant moi est Lion’s Law. C’est de la « oï », ça ressemble au punk, mais avec des refrains chantés et criés en cœur. C’est un peu de la musique de Hooligans, de groupes de copains qui traînent dans les rues avec de jolis polos très bien coupés et des Doc Marteens.
Une sacrée claque dès l’matin !

A partir de onze heures les passages aux toilettes se font durs. La cabine étant en plastique le soleil, la transforme en four vapeur. Un four vapeur à pipi duquel on ressort en sueur, même pour une petite commission.
Grand habitué du gel hydro-alcoolique depuis de nombreuses années je ne fais pas partie des mécréants qui l’ont adopté cette année avec le Covid. Des années de festivals font de cette solution un proche compagnon.

Sortie des WC, bière ! C’est la tournée des copains, ils m’ont rejoint, les lèves-tard ! Nous sommes cinq, pour des raisons évidentes de service, on commande deux ou trois pichets d’un litre et demi.

En cette fin de matinée les breuvages pétillants font leur effet, en plus il fait déjà plus de vingt-cinq degrés. Le festival s’est rempli de gens, de bruits et de bonne ambiance.

La chose la plus compliquée à gérer, c’est le planning. Sur trois jours il y a cent soixante groupes qui jouent, et parfois on est bien obligé de choisir entre deux spectacles.
Enfin là le choix est fait, le groupe que nous formons se sépare en deux, certains vont voir le prochain groupe de punk, tandis que ceux qui sont avec moi m’accompagnent voir Inquisition .
Groupe de Black Métal Américano-colombien composé d’un batteur et d’un guitariste vocaliste. Ils se produisent sur la scène Temple, qui est située sous un chapiteau.

Midi et demi, l’ambiance est chaude et sombre. Le bar est loin… Mais les déssoifeurs sont présents.

De braves bénévoles équipés de citernes à dos de vingt litres environ. Main sur la gâchette ils font jaillir la boisson dans nos gobelets, à la simple demande de notre bracelet de paiement. Car oui, nous avons un bracelet à puce sur lequel de l’argent a été préalablement crédité.
Il est vrai qu’il y a quelques années jamais je n’aurais imaginé acheter de la bière plusieurs semaines à l’avance. Maintenant j’imagine que mon employeur pourrait verser une partie de ma paie directement sur un compte Hellfest. Je lui en toucherai deux mots.

Inquisition fais un show parfait dans une ambiance diabolique, le chanteur crie comme un petit insecte mourant, sa guitare semble déchirer l’air chaud sous le chapiteau. La batterie est frénétique, elle fait trembler le sol comme le fera le démon quand il descendra sur terre.

Au milieu de leur prestation, l’envie d’uriner surgit, puis s’intensifie. Au milieu de la foule dense, hors de question de perdre sa place, mon gobelet est vide, il constitue un contenant idéal.
J’ai bu vingt-cinq centilitres de bière depuis mon dernier passage aux commodités, je fais donc un pipi de vingt-cinq centilitres. Logique. Un trou discret dans le sol avec mes brodequins, comme le feraient nos amis les animaux, et hop ni vu ni connu et soulagé !

Après ce concert qui me met définitivement dans l’ambiance du festival, il est temps pour notre petite bande d’aller se restaurer. Le Hellfest propose toute une ribambelle de stands de nourriture, d’origines diverses et variées.
Le plus prisé est le barbecue argentin. D’énormes morceaux de bœuf grillés à point, coupés au couteau devant le client, servis en tas sur une assiette en carton et arrosés d’huile d’olive et d’herbes.
Je pense que ça représente environ deux cent cinquante grammes de viande.
Bien sûr, beaucoup de stand végans, des salades de fruits frais, glaces bio, frites de patates douces… et j’en passe.
Pendant le repas, un verre de rouge, après le repas, un café puis un autre verre de vin rouge. Sous le soleil de plomb, dans la foule compacte et la poussière.
Avec le vin, arrivent les bouffée hilarantes et roulades dans l’herbe. Complètement désinhibé, le contact se crée facilement avec des inconnus qui deviennent vite nos amis.
Deuxième vague de blagues douteuses, et nouveaux points Godwin.

Soudain , c’est l’effondrement ! Ou tout simplement le moment de la sieste, au Hellfest ont peut jouir de l’ombre d’une petite forêt de feuillus. Elle fait l’objet d’un curieux spectacle : les trop nombreux festivaliers s’y enchevêtrent et jonchent le sol comme des sacs poubelles.
Alors nous prenons place parmi ces nombreux sacs humains, une sieste réparatrice de trente minutes nous permet de poursuivre la journée.

Au réveil de ce demi-sommeil, il est l’heure du goûter, un verre de cidre et un hot dog.

Sur l’une des deux grandes scènes va commencer de jouer Iron Reagan, très énergique groupe de thrash américain.
La musique est très rapide et transmet beaucoup de force, dès le premier morceau le chanteur invite le public à faire un circle pit.

Le circle pit se traduit par un mouvement de foule circulaire à grande vitesse. Tout simplement, les gens se mettent à courir en cercle de taille variable, en fonction de la taille de la scène. Les personnes qui restent spectateur de ce ballet, peuvent sentir le courant d’air créé par la masse d’humains en mouvement. Pour ma part je préfère rester au centre du cercle, endroit calme et isolé du monde par les danseurs.
Traverser le cercle constitue un danger de renversement et de piétinement, il faut imaginer, majoritairement des hommes d’environ quatre-vingt kilos, propulsés par leurs jambes à quinze voir vingt kilomètres à l’heure.

Une autre danse s’appelle le wall of death. Sur demande des musiciens le plus souvent, le public se scinde en deux perpendiculairement à la scène. Au signal, les deux parties courent l’une vers l’autre et se rentrent dedans, accompagnés par une musique tonitruante.

Après une après-midi de danses et de goûters répétés, la nuit tombe lentement et s’accompagne des spectacles de feux et de lumières. Enfin surtout de feux.

Je n’ai jamais compté les lances flammes au Hellfest, mais je peux dire qu’on y voit très clair, qu’on a chaud, et qu’on peut à certains endroits sentir des gouttes d’essence non brûlées nous tomber dessus.

Après quelques concerts, quelques bières et un encas du soir à base de nouilles japonaises, minuit est passé et je ne tarde pas à rentrer à mon campement. Car oui, j’ai sommeil, je suis debout depuis huit heures du matin tout de même. J’ai subi quatorze heures de musique, et je dois recommencer demain, et après-demain.

Alors je ne vous raconterais pas ce qu’il y a entre minuit et huit heures le lendemain. Les afters au pastis jusqu’au petit matin, les joutes de caddie sur le camping, les parties de caps internationales, les cours de langue étrangère… de langage corporels…
Les bains de minuit dans la Sèvre Nantaise.

Avant d’aller me coucher et mettre mes boules quiès, je prends mon baluchon et profite des douches désertes. J’échange du dentifrice avec un anglais poilu d’une centaine de kilos qui me remercie dans un français bien essayé. Une fois allongé sous la tente, je ne peine pas à m’endormir et j’ai déjà hâte de mon café croissant du lendemain.
Pour les plus curieux, cette année le Hellfest propose des lives des concerts de précédentes éditions.

Il y en quarante cinq sur trois jours (c’est par ici !).
Dans la playlist officiel du festival, je vous vous ai fait une sélection découverte. Voici cinq lives pour se faire une idée du Hard.
Steel Panther – Glam Metal – Los Angeles, USA
Uncomonmenfrommars – Punk Rock – Washington, Serrière, FRANCE
Alestorm – Death / Pirate Métal – Perth, SCOTLAND
Walls of Jericho – Punk Hardcore – Detroit, USA
Soulfy – Trash / Death / Nu Métal – Belo Horizonte, Phoenix, BRASIL, USA

 

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