- Culture
Publié le 21/02/2023 - 9 minutes de lecture
A l’occasion de la 31ème édition du festival Drôle d’endroit pour des rencontres qui avait lieu du 27 au 29 janvier au cinéma Les Alizés (Bron, Rhône), on a rencontré le réalisateur Olivier Peyon ainsi que les deux jeunes acteurs Jérémy Gillet et Julien de Saint-Jean, pour nous parler du film Arrête avec tes mensonges.
Olivier Peyon adapte ici le roman éponyme de Philippe Besson, en offrant à Guillaume de Tonquédec un rôle à contre-emploi, celui d’un écrivain, Stéphane Belcourt, revenu sur les terres de ses origines dans le cadre du centenaire d’une marque de cognac dont il est l’invité d’honneur. Il y rencontre alors le fils de son premier amour. Le roman est autobiographique mais Peyon parvient à transposer cette histoire à l’écran et à se l’approprier avec brio. Mentions spéciales aux jeunes comédiens Jérémy Gillet et Julien de Saint-Jean ainsi qu’à Victor Belmondo, tous éblouissants.
Olivier Peyon, Arrête avec tes mensonges est votre quatrième long métrage mais votre première adaptation littéraire.
Olivier Peyon : Alors en fait c’est mon quatrième long métrage de fiction mais mon sixième en tout puisque j’ai fait deux documentaires pour le cinéma. Je dis ça parce que le combat est le même : ça vous occupe deux-trois ans… Eh ben je ne me souviens plus de la question [rires] ! Ah oui, c’est un producteur qui m’a fait lire le livre et il n’était même pas encore sorti. J’ai trouvé que c’était très émouvant. C’est vrai que le roman est centré sur l’année 1984, une histoire d’amour adolescente, qui était très bien mais je ne voyais pas trop comment m’inscrire dedans. J’avais l‘impression de l’avoir déjà vue. Il y avait Les Roseaux sauvages, pour les vieux comme moi, qui était mythique à l’époque (film d’André Téchiné sorti en 1984, ndlr). Ce que je trouvais par contre très original, c’est la rencontre de cet écrivain avec le fils de son premier amour. Donc j’ai dit à Philippe Besson que son roman est plutôt tourné vers le passé et que j’avais envie d’en faire un film tourné vers le présent. L’idée lui a plu et il m’a laissé le champ libre.
Guillaume de Tonquédec interprète Stéphane Belcourt adulte, dans un rôle à contre-emploi. Comment son nom est arrivé dans le projet ?
OP : La production du film a été très longue donc avant qu’on le tourne, il s’est écoulé quatre ans. Guillaume, c’est la première personne dont on m’avait parlé. Il se trouve que dans le scénario, le personnage était plus vieux que Guillaume, qui est aussi plutôt connu comme un acteur de comédie. Puis on est passé à autre chose… Et finalement, on allait commencer le tournage avec Jérémy et Julien et mes producteurs m’ont appelé : ils pensaient à Guillaume de Tonquédec pour le rôle. J’y avais pensé au début du projet et ça m’a alors semblé comme une évidence ! Je bénis le ciel que ce soit lui et aujourd’hui je n’imaginerais pas quelqu’un d’autre pour ce rôle.
Comment avez-vous trouvé Jérémy et Julien ?
OP : On a fait un casting classique et on a vu plein de jeunes. Après, on en a sélectionné plusieurs et on a fait des duos. Individuellement, j’aimais déjà beaucoup Jérémy et Julien mais c’est vrai que l’alchimie entre les deux, c’était une évidence !
Jérémy et Julien, vous vous connaissiez avant le tournage ?
Jérémy Gillet : Oui, on se déteste ! [Rires.]
Julien de Saint-Jean : Non, on ne se connaissait pas avant. Quand on a été mis en paire, on a mis deux-trois mois à être validés. Entre temps, on s’est rencontré, on a fait la fête, on est devenu amis, on s’est rendu compte qu’on avait plein d’amis en commun… Ce qui fait que lorsqu’on est arrivé sur le premier jour de tournage, on n’était pas étrangers. En plus, on a commencé par les scènes de sexe qui sont quand même assez frontales.
JG : Oui, c’était ça notre première scène.
JSJ : On avait le choix entre cette scène-là ou la scène de fin. Moi, je voulais faire cette scène-là : comme les personnages se découvrent par la sexualité, je trouvais que commencer par ça au début du tournage était à propos.
Est-ce votre premier long métrage de fiction au cinéma ?
JG : Oui, tous les deux. On a fait des séries avant, des projets pour des plateformes, pour la télé… mais au cinéma, c’est notre premier long-métrage.
JSJ : Jérémy a commencé le cinéma bien avant moi, vers seize ans. Moi j’ai fait plus de théâtre et tout est arrivé beaucoup plus récemment. Je suis un petit jeune dans le cinéma [rires].
Comment avez-vous préparé vos rôles ?
JG : Moi, c’est beaucoup passé par le corps. Par une démarche, d’abord. C’est basé sur un personnage qui a existé mais je n’ai pas voulu rencontré Philippe Besson avant parce que je ne voulais pas essayer de reproduire quelqu’un. Il y a déjà Philippe Besson en tant que tel, il y a le personnage que lui s’est inventé dans le livre et après, on fait une adaptation à partir de ce personnage. L’idée, c’est aussi de partir de soi pour créer le rôle.
JSJ : Olivier m’a dit que lorsque j’ai été sélectionné pour faire ce film, je n’étais pas du tout le personnage par rapport à sa description physique. Finalement, par les essais…
OP : Par ton charisme naturel, tu as tout emporté [rires]. C’est vrai en plus !
« Je n’ai pas voulu rencontré Philippe Besson avant parce que je ne voulais pas essayer de reproduire quelqu’un. »
Jérémy Gillet
JSJ : Comme c’était la première fois que je faisais un film, adapté d’un livre, j’avais aussi ce stress-là de devoir rendre hommage (à Philippe Besson, ndlr). Sur le tournage, je me souviens que j’étais tout le temps avec le livre et j’étais bloqué par le roman. Au bout d’un moment, Jérémy me dit : « Laisse-toi aller, maintenant c’est à toi d’incarner le personnage ».
JG : Oui, on t’a pris toi et on fait une adaptation de quelque chose. Le but, ce n’est pas de refaire ce qui a été écrit dans le livre sinon on lit le livre. C’est de voir comment cette histoire a plu à Olivier et comment il a envie de la raconter à l’image.
OP : Ah, qu’est-ce qu’ils parlent bien !
Vous pouvez nous présenter le personnage de Stéphane jeune ?
JG : Non [rires]. Je réfléchis, passe avant Julien.
Le personnage de Thomas alors ?
JSJ : C’est quelqu’un qui ne parle pas beaucoup, assez taiseux, plein de contradictions. Il va devoir dissimuler sa vérité à lui pour pouvoir exprimer enfin l’amour qu’il avait. Je pense que le personnage de Stéphane va l’aider à s’ouvrir, à voir plus grand. Je pense que c’est… J’allais dire « c’est comme une fleur », c’est nul de dire ça [rires]. Mais c’est un peu comme une fleur : il va éclore au fur et à mesure et sa brutalité, la violence interne qu’il a va devenir une sorte de caresse au fil du film.
OP : Waouh, une caresse [impressionné] !
JSJ : On n’a jamais aussi bien parlé [rires].
JG : Moi je vois Stéphane comme quelqu’un qui a des rêves et des ambitions beaucoup plus grands que ce qu’on attendrait de lui à la naissance, vu le milieu dans lequel il évolue. Lui, il veut monter à Paris, devenir écrivain, survivre par la fuite. De cette rencontre avec Thomas, même si au début ce sont des premières expériences sexuelles qui vont se transformer en amour, Stéphane va avoir envie de l’emmener avec lui et de lui montrer que la vie, ce n’est pas forcément rester et subir.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pendant le tournage ?
OP : Pour moi, c’est les Cognac-Schweppes que l’équipe a découverts à Cognac, puisque c’est la boisson locale. Ils en étaient à deux-trois fêtes par semaine donc à un moment j’ai dû sévir : « Juste deux et vous allez vous coucher ! » [rires]. Le plus partant pour danser tous les soirs, c’était certes vous, Jérémy et Julien, mais surtout Guillaume de Tonquédec, on peut le dire. Ce qui était dur, c’est qu’on devait aller très vite parce que je n’avais pas assez d’argent pour ce que je voulais faire. Mais ça m’a permis de trouver une forme qui allait bien au film.
ARRÊTE AVEC TES MENSONGES, de Olivier Peyon. Avec Guillaume de Tonquédec, Victor Belmondo, Guilaine Londez… Actuellement au cinéma.
Little Marcel a rédigé cet article.