Publié le 20/03/2020 - 4 minutes de lecture

Brand, l’un de nos derniers chroniqueurs a décidé d’aiguiser sa plume joliment sarcastique pour vous proposer des chroniques aux thèmes variés : écologie, balade, radioactivité, déception amoureuse… Voici une nouvelle fiction, qui s’ajoute à sa chronique “Bonsoir MARCEL” que vous pouvez retrouver ici. En période de confinement, vous apprécierez nous en sommes certains ces petits moments de lecture hors du temps.
Bonne lecture.

Vingt-deux avril, il fait beau.

Quatorze heures, pas de vent, vingt-cinq degrés.

En centre-ville du Puy-en-Velay, A. sort de chez lui, satisfait et sûr de lui.

Il a mis son plus beau t-shirt d’Iron Maiden et son jean neuf. Derrière ses lunettes de soleil, il regarde le monde avec le sourire.

Il se sent plein de vertus : fort, humble, délicat, savant… Il a encore en bouche le bon goût de son café. Que c’est bon. Il aimerait bien croiser Camille cet après-midi, elle tomberait facilement sous son charme.

Quelques courses à faire chez le primeur.

Dans la rue, des gens désœuvrés le laissent perplexe, « quels mauvais choix de vie ont-ils fait pour en arriver là ? »
Devant l’étal de légumes, son choix se fait sur des produits locaux : inutile d’acheter bio si ça vient de loin, un peu de bon sens que diable !

Son sac rempli de délicieuses denrées à cuisiner, il décide d’aller boire une bière en terrasse, place de la mairie. Sur le chemin, deux personnes se chahutent une place de parking, des insultes fusent, des bras d’honneur. A. rit, l »es gens sont ridicules ! Se donner en spectacle ainsi pour garer sa voiture… jamais cela ! »

Place prise sous un parasol de la terrasse du bar, il commande une bière au serveur.

Une blonde, légère. A. sait être raisonnable. Quel plaisir simple ! Boire une bière en regardant les passants derrière ses lunettes de soleil.

Soudain, un jeune homme, la vingtaine, passe à côté de la table, son sac à dos délesté fauche la bière et projette cette dernière sur son beau t-shirt d’Iron Maiden.

– Putain, mais c’est pas vrai ! T’es complètement con ! J’ai jamais vu ça ! Sale puceau !

– Pardon, je suis désolé… Mais restez poli s’il vous plait !

– Quoi ? Tu me jettes une bière dessus et tu la ramènes ? Vas-y, casse-toi !

Légèrement désappointé, A. gobe le restant du verre de bière et se commande une pinte. Après l’avoir bu goulûment, il repart, les sourcils froncés. Cinquante mètres plus loin, le jeune maladroit l’interpelle.

– Désolé pour la bière, tiens je t’en ai acheté une au Casino.

– Ça va ! Ça va ! Merci… et t’as pas une clope s’teuplé ?

– Si, tiens une roulée.

A. ouvre sa bière, allume sa clope et repart chez lui sans dire merci. Un peu éméché, il marche un peu plus loin dans une crotte de chien sans s’en apercevoir.

Sur son chemin passe Camille, elle est belle en robe courte, ses jambes bronzées terminées par de jolies sandales compensées. Les cheveux attachés en chignon. Elle porte un parfum discret et envoûtant.

A. sent la bière, le tabac et la merde de chien. Le t-shirt maculé de bière et une canette de 8.6 à la main, il ressemble aux clochards dont il se moquait une heure auparavant. De son haleine fétide et entre deux rots, il bégaie quelques mots à Camille :

Blurp, wesh salut Cam’s ! Ça fait plaiz’ de te voir ! Kestuf ?

– Ha, salut, heu… j’ai un rendez-vous là, j’ai pas trop le temps déso !

– Wesh pas grave, bisous alors. Blurp.

Camille, rentre en fait chez elle, elle a tout son temps cette après-midi. Mais pas pour un déchet comme lui.

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