- Ça c'est MARCEL
Publié le 12/01/2020 - 11 minutes de lecture
MARCEL vous présente l’interview la plus loufoque et la plus longue de sa courte existence. Celle de Mickaël, auteur lauréat du prix de la Nouvelle Jazz en Velay 2019. Alors installez-vous bien et savourez ce moment plein d’esprit, d’humour et de bonne culture.
Pour des raisons de place évidentes, nous avons effectué quelques coupes dans le texte. Pour retrouver l’interview dans son intégralité (elle est encore plus savoureuse, promis), rendez-vous sur le site de Jazz en Velay.
1°) Quel est votre rapport à la littérature et la musique ?
Bonjour Marcel, et salutations aux lecteurs du site. La question est toute trouvée pour me présenter, un biberon à la main. Je suis donc Mickaël Feugray, tout du moins, c’est ainsi que l’on m’accoste au téléphone pour me demander si j’ai quelques minutes à consacrer à l’amélioration des ressources énergétiques de mon foyer. Je suis artiste havrais, l’écriture et le mensonge étant à la base de tout ce que je construis, je réponds au type au bout du fil que je ne suis pas propriétaire, et je retourne lancer mon chauffe-biberon.
J’ai publié un premier recueil de nouvelles « Arthrite et Cataracte » aux éditions Inédits (de l’excellente Florence Euverte) en décembre 2016, dont le premier tirage est épuisé. J’attends des lecteurs de Bonjour Marcel qu’ils lancent une grande pétition nationale et solidaire afin de lancer une réédition. D’avance merci à vous tous !
Je suis juré du Prix Don Quichotte de Rueil-Malmaison depuis 4 éditions.
Côté musique, j’ai façonné un album perso en 2006 (« Impasse du fond de la misère ») et un album pour le groupe rock Asphalte, « Macadam Fortune » (en 2014). J’écris l’ensemble des textes et compose la plupart des morceaux du quartet. Libre à eux ensuite de les sublimer sur scène, les réinventer. La redécouverte des titres live m’est à chaque fois un cadeau.
Depuis deux ans, je porte également le groupe acoustique de chanson française Bleu Nuit, avec mon frère Jason Feugray et le touche-à-tout Léo Dubois.
2°) Vos influences littéraires, vos thèmes de prédilection ?
Oùlà, faut pas lancer sur des thématiques comme ça ! Je risque d’en faire des caisses et des pages. On touche à la passion qui m’anime, puisque j’ai fait vœu de misère dans l’écriture. Je ne fais « que » ça. Je vivote de mes écrits, ça ne nourrit pas son homme, encore moins son fils, mais je m’épanouis totalement dans cette vie.
Ma seule réelle influence est celle de Charlie Chaplin. C’est à mes yeux un grand écrivain. Il a façonné chez moi cette exigence de la forme. En toute chose, en toute scène, soigner la forme, reprendre mille fois sa phrase pour la rendre personnelle, esthétique, efficace et juste, tout en s’employant à dire des choses, être un révélateur de la société. Allier rires et larmes, forme et fond, voilà bien ma quête. Chaplin est tout ça, porté aux sommets.
Si je puis me permettre un exemple simple, on peut écrire : « — Le soleil tape. Il fait trop chaud. Je vais ouvrir la fenêtre. ». Ça se fait. On comprend que le soleil brille, ça va à l’essentiel. Sauf que Joseph, Abel et Julie auraient pu l’écrire, ça ne casse pas trois pattes à un caneton, n’emporte rien, ça n’a pas plus d’écho, ça s’arrête à l’idée principale, c’est fade et facile, banal, neutre, on ne frise pas l’apoplexie. Cela en devient même froid, dommage pour un soleil qui brûle…
Selon moi, un auteur doit aller plus loin, suggérer, envenimer la phrase, brinqueballer la routine, malmener la langue pour sortir un peu de la facilité : « — Putain de cagnard. Toujours à nous tabasser les flans. Des piges qu’on l’mange en pleine face. Franchement, j’vais t’dire : ma claque de subir ces conneries à longueur de journée. J’vais me taper une Inuit. Ou un macchabée. Y m’faut du frais. »
Ne sent-on pas — alors — combien il fait chaud ? N’est-on pas avec un personnage qui se dessine, une personnalité, un monde ? Il fait tellement chaud qu’il vitupère, s’énerve, cherche une solution. C’est vivant, il se passe des choses, en quelques mots et entre les lignes.
Pour le reste, je considère de ma famille littéraire des tisseurs de constellations comme Éric Chevillard, Tanguy Viel, Christian Gailly, Jean Vautrin, Annie Saumont, Fabien Pesty, Georges-Olivier Châteaureynaud, Boris Vian et la havrais Raymond Queneau.
[et toute une kyrielle d’autres références à retrouver dans la version complète de l’ITW, par ici ]
Ne pinaillons pas : lecteurs de Bonjour Marcel, je vous mets au défi de découvrir une œuvre de chacun de ces créateurs. Je ramasse les copies dans dix ans.
Quant au fond, mes thèmes de prédilection sont de vraies monomanies, des rengaines, des gimmicks obsessionnels : la lutte contre le racisme et l’homophobie, le féminisme, l’écologie, les injustices sociales, la folie, les petites gens et la musique. Pas un livre sans que ces thèmes ne soient abordés. Ça me constitue. Comme le tennis, les olives et les câlins de mon fils. Vous ai-je parlé de mon fils ?
3°) Depuis combien de temps écrivez-vous et pourquoi écrire ?
J’écris depuis la classe de CM1 (ma mère avait été conviée par la maîtresse pour une histoire de bernard-l’ermite que j’avais prénommé Thierry). L’école a été le véritable laboratoire, j’avais l’impression de pouvoir m’y distinguer, j’y ai fait mes gammes avec délectation. Depuis l’école primaire jusqu’à l’université, bien des copies étaient pour moi une opportunité pour faire montre de style ou d’originalité, que ce soit en français, philo ou en économie.
J’écris donc avec assiduité et l’ambition d’être édité depuis 20 ans maintenant (j’en constatais 17 bougies sur le gâteau d’anniv’). Je n’ai rien fait lire pendant 10 ans, persuadé de devoir parfaire mon style, apprendre à écrire, m’escrimer, tenter, explorer, échouer et grandir, mûrir, avoir des choses à dire. On dit qu’il faut 10 ans pour faire un boxeur, je pense la même chose des auteurs. C’est un minimum. Mais combien d’années pour faire un Homme ? La vie, sa rudesse, nos aspirations, nos valeurs, tout ceci s’est mis en branle ensuite pour façonner ma voix. Prendre la plume oui, mais pas pour épiler les kiwis.
Pourquoi écrire ? Chez moi, l’écriture est sociale et souvent pamphlétaire, elle s’attache à défendre des points de vue. Je ne cherche pas à plaire, mais à convaincre. C’est un combat d’opinions, une bataille de conscience. Ce ne fut pas toujours le cas, c’est ma bataille actuelle, je ne me vois plus écrire pour ne rien défendre. Je crois qu’il faut aller au charbon et batailler ferme pour banaliser ce qui doit l’être.
Il faut continuer ces combats, encore et toujours. On a le droit de s’émanciper de Cro-Magon. Pour que la génération future soit le fruit de notre humanisme. D’ailleurs, parlant de génération nouvelle, vous ai-je parlé de mon héritier ?
4°) Quels sont vos futurs projets artistiques ?
Deux albums musicaux pour 2020 :
• « Overdose », un album-concept pour Asphalte, le groupe rock pour lequel j’écris (en français bien sûr) et compose. Ce sera rock, noir, désabusé et emphatique, peut-être ce que j’ai écrit de plus rentre-dedans et offensif contre l’inertie des politiques en place, mis en musique (http://asphalte.hautetfort.com/).
• « Au diable le spleen (et en avant l’espoir) » pour Bleu Nuit, mon groupe folk / chanson française, dans lequel j’officie à la guitare et au chant. Tout l’inverse dans cet album à venir : Bleu Nuit positive le monde, cherche des solutions, des horizons possibles (http://bleunuit.hautetfort.com/).
Côté littérature, je cherche éditeur pour deux recueils de nouvelles :
• « Toujours un peu à côté de ses pompes », drôle et touchant, j’y croque une vision du monde décalée autour de personnages un peu branques ou carrément givrés.
• « Quand les loups se griment en chiots », un recueil sang pour sang polar, dans la veine de « Fauché par une nuit conne » honoré par le Festival Jazz-en-Velay en cette année 2019. Il correspond en tout point à mes ambitions évoquées précédemment. Incisif, stylisé, engagé et distrayant. J’y ai mis beaucoup de moi. J’écris chaque livre comme si c’était le dernier.
J’avance également deux romans, mais avec la naissance de mon mouflet… vous ai-je parlé de… ?
5°) Qu’écoutez-vous comme musique en ce moment ?
Outre les gazouillis de mon buveur de biberons, je cours dans les rues havraises sur Noir Désir, les Doors et Tom Waits, j’écoute en boucle « Sonr Ravns » de Ragnar Zolberg (rock prog’ islandais), « Pink Moon » de Nick Drake (folk), « Endorphine » de Daran (rock/chanson française), « Naïf comme le couteau » d’Alexandre Varlet (folk/chanson française), « Jeannine » de Lomepal (rap), « Hail to the Thief » de Radiohead (rock), du Robert Johnson et « Tales of America » de J.S. Ondara (blues) et « My Funny Valentine » de Chet Baker (jazz). Et mon amoureuse assomme l’enfant prodigue des « Gymnopédies » d’Érik Satie (classique).
6°) Quelles sont vos relations avec le jazz ?
Des relations très bonnes et apaisées. On s’acoquine régulièrement, se dragouille à la moindre opportunité, se fait des infidélités, souvent, mais l’on revient toujours l’un vers l’autre. Je viens du rock prog’ et de la chanson française, mais j’écoute autant de jazz que n’importe quel autre genre musical. J’y suis certainement venu grâce à Boris Vian d’ailleurs (toute son œuvre en est traversée). Ça fait partie de ma vie, parce que mon existence tourne autour des arts en général, et qu’on ne se prive pas de jazz, ça rend malade.
Je suis particulièrement réceptif au be-bop, au cool-jazz, au jazz New Orleans, à l’improvisation et la liberté que le jazz suggère, à des ovnis tels que Keith Jarrett, les Coltrane, Monk, Bobby McFerrin, Al Jarreau, Nougaro, et du plus grand public, Nina Simone, Billie Holiday, Eva Cassidy, Chet Baker, Duke Ellington, Louis Armstrong. Je reste un novice en la matière, qui défriche petit à petit, en quête de perles rares.
En littérature, je le concède, blues et jazz font partie intégrante de mon imaginaire américain. Je les cantonne à cet univers, les fantasme ainsi. Rêver les States se fait souvent chez moi au temps de la prohibition, au milieu des populations noires, en pleine lutte civique. Ça reste révélateur et prend tellement de résonnance aujourd’hui, sous l’ère Trump.
Et puis, à titre très personnel, familial même, mon frère se nomme Jason (prononcé à la française) et répond au surnom de « Jazz ». Et puisque je n’ai plus que lui en tête depuis huit jours (à la date de cette interview), hasard de cette entrevue, je viens tout juste d’être papa de mon premier bambin, un petit mioche qui répond au doux prénom de Thélonious. On fait difficilement plus jazz, non ?
7°) Connaissez-vous la Haute-Loire ?
Oh, très bien, oui, sur le bout des doigts. C’est bien la maman du loir, non ? Non, en dehors de ça, je confesse assez peu m’y connaître en rongeurs de la famille des Gliridés.
8°) Acrostiche MARCEL ?
Molestons les geignards ! (il n’y a pas de petits combats)
Aimons les seins des autres !
Rions des nuages !
Croyons en l’humain, pas au Père Noël.
Encore merci pour l’intérêt porté par Bonjour Marcel et vous, Jean-Christophe.
Lisez le papa de Thélonious. Euh, vous ai-je déjà parlé de mon fils, d’ailleurs ?
Lire l’interview dans son intégralité par ici.
Pour se procurer la nouvelle écrite par Mickaël, rendez-vous à la FNAC du Puy-en-Velay.
Prix : 3 €
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