- Culture
Publié le 31/08/2022 - 10 minutes de lecture
En janvier dernier, on était à la 30ème édition du festival de cinéma français Drôle d’endroit pour des rencontres à Bron, tout près de Lyon. On a découvert plusieurs pépites, qui sont pour la plupart passées inaperçues dans les salles de ciné. Petite sélection de rattrapage avant la rentrée 🙂
enquête sur un scandale d’état
Enquête sur un scandale d’Etat est à l’origine un essai, L’Infiltré, écrit en 2017 par l’informateur Hubert Avoine et le journaliste de Libération Emmanuel Fansten. Avoine y raconte, par le biais de son expérience, les dérives de la lutte contre le trafic de drogue en France. Ce sujet a captivé le réalisateur Thierry de Peretti, qui après deux films tournés en Corse, sort de sa terre natale pour ce film d’enquête. Hyper documenté, Enquête sur un scandale d’Etat se révèle passionnant lorsqu’il essaie de révéler les rouages d’un système qui semble controversé. De Peretti embarque avec lui un casting de haut vol, Roschdy Zem en tête, puissant, magnétique et troublant à la fois. Mais Vincent Lindon et Pio Marmaï sont eux aussi très convaincants dans leurs rôles respectifs.
On peut cependant être dérangé ou surpris par le choix du format 1.33 (carré) qui, bien qu’il pousse le spectateur à aller chercher plus loin dans l’image, peut être frustrant. Mais une fois que l’œil s’est adapté à cette fenêtre de vue restreinte, on profite des mouvements de caméra très amples et des plans séquences, notamment celui d’ouverture où l’on voit Roschdy Zem, muet mais déjà imposant, s’affairer dans une belle villa du bord de mer.
Un film de Thierry de Peretti, avec Roschdy Zem, Pio Marmaï, Vincent Lindon…
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azuro
Matthieu Rozé adapte ici un roman de Marguerite Duras écrit dans les années 50, Les petits chevaux de Tarquinia. Même si le réalisateur a troqué le titre original pour un autre plus court, Azuro, on y retrouve aisément l’univers de Duras : le désir, le phrasé, les verres d’alcool et la clope au bec. Azuro, c’est l’été bien installé, la chaleur étouffante, les vacances entre amis, les corps dévêtus, l’ennui parfois… et l’arrivée d’un inconnu sur un bateau.
Si vous ne souhaitez pas quitter l’été, découvrir ce film vous fera du bien. L’ayant vu au mois de janvier, j’ai pris un bon bain de soleil ! Solaire grâce à son cadre, ce huis clos aurait mérité un peu plus de noirceur mais une ambiance particulière s’en dégage – appuyée par la B.O. composée par le musicien électro français Kid Francescoli – jusqu’au dénouement qui fait grandement écho à la situation actuelle. Le tout servi par une belle brochette de comédiens : Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Yannick Choirat, Maya Sansa, Nuno Lopes et Florence Loiret-Caille.
Un film de Matthieu Rozé, avec Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Yannick Choirat…
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entre les vagues ❤️
Entre les vagues, c’est une histoire forte. Une histoire d’amitié entre deux jeunes femmes de 27 ans. Une sororité forgée au fil des épreuves traversées à deux. Car Margot et Alma – Souheila Yacoub et Déborah Lukumuena, toutes deux rayonnantes et respirant la joie de vivre – souhaitent devenir comédiennes et passent des castings ensemble. Un beau jour, Alma décroche un premier rôle pour une pièce de théâtre et Margot est choisie pour être sa doublure. Puis un événement vient bouleverser les plans des deux amies…
Le film est traversé par une énergie dingue qui nous fait passer du rire aux larmes et des larmes au rire en frôlant le pathos mais sans jamais s’y engouffrer. On y parle de la vie et de la mort, mais de la vie surtout. Souheila Yacoub et Déborah Lukumuena forment sans aucun doute un des plus beaux tandems féminins vus au cinéma cette année !
Un film d’Anaïs Volpé, avec Souheila Yacoub, Déborah Lukumuena, Matthieu Longatte…
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à demain mon amour
A demain mon amour est un documentaire terriblement attachant qui suit pendant plusieurs années le couple de sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot. Ils sont connus pour leurs innombrables études sur la société bourgeoise mais ce n’est pas vraiment cet aspect-là qu’a souhaité capter le documentariste Basile Carré-Agostini. C’est plutôt une histoire d’amour, celle de deux sociologues retraités qui continuent à s’intéresser à tout et à avoir un rythme de vie intense et impressionnant.
D’ailleurs, le documentaire met en exergue une nouvelle dimension du travail des sociologues qui ont décidé de s’intéresser aux classes les moins aisées. C’est ainsi qu’on les suit dans les rues de Paris, à l’époque où elles étaient aux mains des Gilets jaunes, nous offrant alors de belles séquences visuelles et musicales avec notamment Ma France de Ferrat ou Aux Armes de Melissmell. Un documentaire enrichissant et plein d’humour, à l’image des bols bretons du couple ayant pour inscriptions Michelou et Moniquette.
Un documentaire de Basile Carré-Agostini, avec Monique et Michel Pinçon-Charlot.
👀 A voir sur @ltithèque (à partir du 1er septembre)
arthur rambo
Karim D. est Arthur Rambo. Arthur Rambo est Karim D.. Le nouveau film de Laurent Cantet raconte l’histoire d’une consécration, puis d’une chute dans un puits sans fond. Le jeune Karim D. est auréolé par ses confrères et le public lors de la sortie de son ouvrage Débarquement. Mais le succès médiatique est assez bref et très vite rattrapé par des tweets antisémites et homophobes refaisant surface. La double identité de Karim D. est alors démasquée.
C’est sans jugement que Laurent Cantet filme ce jeune auteur qui se retrouve seul du jour au lendemain, la profession se désolidarisant totalement de ses actes. Arthur Rambo s’interroge sur notre société hyper médiatisée et résonne fortement avec l’affaire Mehdi Meklat qui avait éclaté en février 2017, dont le film s’inspire par ailleurs. Rabah Naït Oufella, déjà vu chez Cantet, décroche (enfin !) un premier rôle et impressionne.
Un film de Laurent Cantet, avec Rabah Naït Oufella, Antoine Reinartz, Sofian Khammes…
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la vraie famille ❤️
« Je veux t’appeler maman. De toute façon, je vais le faire dans ma tête. » Comment rester de marbre face au petit Simon, enfant placé dans une famille d’accueil depuis son plus jeune âge, qui sort cette réplique à Anna, mère de substitution à fleur de peau magistralement interprétée par Mélanie Thierry ? Fabien Gorgeart filme dans son deuxième long métrage la vraie famille, dans tout ce qu’elle a de plus beau et de plus touchant. Car le père biologique de Simon souhaite récupérer sa garde et Anna a bien du mal à voir tout doucement partir celui qui l’appelle depuis bien longtemps « maman ».
La Vraie famille nous cueille dès les premières secondes dans la piscine d’un camping et nous emmène, avec une facilité déconcertante, au sein de cette famille qu’on a envie de découvrir et de connaître. Grâce à la fluidité du mouvement de la caméra, une mise en scène soignée, l’humanité folle qui se dégage des personnages et des acteurs impressionnants – mentions spéciales pour Mélanie Thierry, Lyes Salem et le jeune Gabriel Pavie, renversant -, on peut dire que la famille a rarement été aussi bien filmée.
Un film de Fabien Gorgeart, avec Mélanie Thierry, Lyes Slem, Félix Moati…
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petite nature ❤️
Quelle claque ce film ! Reposant en grande partie sur les épaules du jeune acteur Aliocha Reinert – vraiment bluffant pour son premier rôle au cinéma -, il conte l’histoire de Johnny, dix ans, dont l’intérêt se porte davantage sur les adultes que sur les enfants de son âge. Une rencontre en particulier lui ouvre des portes vers un monde auquel il n’avait pas accès : celle de son nouvel enseignant, Monsieur Adamski.
Samuel Theis, qui réalise ici son premier film solo, signe un récit d’apprentissage plein de sensibilité et de justesse. Il filme une relation entre un enseignant et un élève, sujet casse-gueule rarement abordé mais maitrisé avec brio dans Petite nature. Même si les seconds rôles sont impeccables – Antoine Reinartz, Izïa Higelin, Mélissa Olexa -, on ne voit qu’Aliocha Reinert, impressionnant. Jusqu’à cette scène qui vous met en morceaux, une scène où il se met en colère dans une cuisine pendant un repas de famille. Renversant.
Un film de Samuel Theis, avec Aliocha Reinert, Antoine Reinartz, Mélissa Olexa…
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municipale
Municipale n’est pas un film comme les autres. C’est même le dernier ovni qu’on a vu depuis Poumon vert et tapis rouge (Luc Marescot, 2021). A la frontière entre documentaire et fiction. Sauf qu’on ne sait jamais vraiment quand le film relève de l’un ou de l’autre. C’est d’ailleurs ce qui fait la singularité de Municipale où l’on suit l’acteur Laurent Papot, fraîchement débarqué de la capitale pour présenter sa candidature aux municipales de Revin, ville ouvrière des Ardennes de six mille habitants. Son projet est de devenir maire pour ensuite laisser la municipalité aux mains des Revinois.
Laurent Papot, peu vu au cinéma, a un fort capital sympathie et se prend vite au jeu de cette candidature étonnante. C’est assez fou que ce projet, dont la distribution en salles a été aidée par une nomination au Festival de Cannes, ait pu être mené à bout. Un film ovniesque qui fait réfléchir sur les modes de gouvernance actuels et qui nous immisce au cœur des municipales d’une ville gangrénée par le chômage.
Un film de Thomas Paulot, avec Laurent Papot.
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Bonne rentrée à toutes et tous !
Little Marcel a rédigé cet article.