- Cinéma
Publié le 01/02/2019 - 3 minutes de lecture
A priori, ça partait mal. Un vieux gars en vieux pick-up trimballe de la drogue pour un cartel mexicain. Il enchaîne les kilomètres en chantonnant. Avec l’argent gagné par ses premiers trajets, le tacot se mue en pick-up neuf, noir, aussi brillant que polluant.
Clint Eastwood a réalisé La mule, et y joue le rôle de quasi vieillard. Et là, ça fulgure. On oublie le vieux réac, l’Amérique sudiste et ses clichés, la puissance masculine à bout de flingue ou de capot de bagnole.
Arrêt sur image : un vieux pick-up, un type buriné en sort, son sourire, ses yeux se plissent. Ça ne vous dit rien ?
Premier indice : Iowa, 1995
Un frère et une soeur découvrent, effarés, après le décès de leur mère, ses carnets, ses lettres, ses photos, et une histoire d’amour partagée durant quatre jours avec un photographe de passage. Elle ne l’a pas suivi pour rester auprès d’eux. Da ns une ultime lettre, elle leur demande de jeter ses cendres, là-même où il lui avait demandé de jeter les siennes quand il est mort, sans qu’ils ne se soient jamais revus.
Dans La mule, Earl Stone cultive des lys, si bien d’ailleurs qu’il gagne des concours aux quatre coins du pays. Toujours sur les routes pour son commerce, il a négligé femme, fille, puis petite-fille. Elles finissent par le haïr. A l’heure d’internet, les affaires s’effondrent, mais sa tête de vieux vendeur de fleurs et son pick-up usé lui ouvre une perspective de reconversion en mule discrète et efficace pour convoyer de la drogue sans soupçon.
Tout roule impec.
Sans dévoiler le reste de l’histoire, juste une scène. Avec une cargaison de drogue de plusieurs millions de dollars, et suivi par des sbires assez peu fleur bleue, Earl fait demi-tour. Son ex-femme se meurt. Et il sera là. Pour une fois. Ce moment : il est assis au bord du lit, lui attrape la main. Au bout du bout, ils se parlent enfin.
Second indice
Les mains enlacées de Francesca-Meryl et de Robert-Clint. Les chansons dans le pick-up, la danse dans la cuisine, et les sourires. Il y avait déjà une histoire de fleurs dans ce film, au tout debut de leur rencontre…
… la première fois qu’elle l’accompagne au pont couvert, Sur la route de Madison.
Allez voir La Mule, et trouvez à revoir Sur la route de Madison. Plus de trente ans entre ses deux films. Les rides du vieux Clint se sont creusées, mais les plis des yeux ont gardé leurs formes rieuses.
Robert, son personnage, disait à Francesca, au moment où il comprend qu’elle ne repartira pas avec lui :
« Nous sommes nos propres choix
Ne nous perds pas, ne nous jette pas »
Dans La Mule, on y voit comme une réponse, un rattrapage pour les années passées à côté, à côté de soi, à côté de l’autre, celui qu’il ne fallait pas rater, car « ce genre de certitude n’arrive qu’une seule fois dans sa vie« . Un film coule dans un autre, comme un regard qu’on imagine avoir déjà croisé.
La Mule, au cinéma.
Sur la route de Madison, où vous pouvez.